Couper les oreilles d’un chien — ce que l’on appelle l’otectomie — soulève immédiatement une question de bien-être animal. Ce geste n’a aucune justification médicale dans l’immense majorité des cas. Pourtant, il est encore pratiqué dans certaines régions du monde. La France, comme la plupart des pays européens, interdit cette mutilation. Alors, pourquoi continue-t-on de le faire ailleurs ? Et surtout, dans quels pays cette pratique est-elle encore légale ?
Voici un tour d’horizon précis, factuel et sans détours.
Qu’est-ce que la coupe des oreilles chez le chien ?
L’otectomie consiste à sectionner une partie du pavillon auriculaire, généralement chez des races précises : Doberman, Boxer, American Staffordshire Terrier, Cane Corso, Schnauzer géant, etc. On le fait entre 8 et 12 semaines, parfois sous anesthésie générale.
Autrefois, on évoquait des raisons fonctionnelles : éviter les blessures au combat ou à la chasse. En réalité, il s’agit surtout d’un choix esthétique imposé par l’humain. Cela modifie le port d’oreilles et donne un air « plus dur » au chien. Mais la douleur post-opératoire, les complications infectieuses et l’impact comportemental ne sont pas anodins.
Ce que dit la loi en France et en Europe
En France, la coupe des oreilles est strictement interdite depuis 2004, sauf nécessité médicale justifiée par un vétérinaire. La loi vise à protéger l’animal contre les mutilations inutiles. Elle s’aligne sur la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie (1987), signée par la majorité des États membres de l’Union européenne.
Sont également interdites :
- L’achat ou l’importation d’un chien dont les oreilles ont été coupées (sauf preuve de raison médicale)
- La participation à des expositions canines avec un chien mutilé
- L’acte chirurgical réalisé par une personne non vétérinaire
Parmi les pays européens ayant adopté des lois similaires, on retrouve notamment : l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, les Pays-Bas, le Danemark, la Suède, la Norvège, la Finlande.
Mais il existe encore des exceptions.
Dans quels pays la coupe des oreilles est-elle encore autorisée ?
Certains pays n’ont pas légiféré de façon stricte, ou tolèrent la pratique dans certaines conditions. Voici quelques exemples :
États-Unis
La coupe des oreilles y est autorisée dans la majorité des États, bien que de plus en plus de vétérinaires refusent de la pratiquer. L’American Veterinary Medical Association (AVMA) s’oppose clairement à l’otectomie de convenance, mais laisse chaque État libre de trancher. Résultat : c’est légal, même si critiqué.
La coupe est souvent liée aux standards de race imposés par l’American Kennel Club (AKC), ce qui maintient la pratique dans certaines lignées.
Canada
Le Canada laisse la décision aux provinces, et les réglementations varient. Par exemple :
- Le Québec et la Colombie-Britannique l’interdisent.
- En Ontario, aucune loi n’empêche cette pratique.
Encore une fois, tout dépend du vétérinaire. Beaucoup refusent de le faire.
Russie
La Russie n’interdit pas la coupe des oreilles. Elle reste pratiquée dans les élevages et est bien vue dans certaines expositions canines. Les motifs sont essentiellement esthétiques, ancrés dans des traditions d’élevage militaire ou de garde.
Serbie, Roumanie, Croatie
Dans plusieurs pays d’Europe de l’Est ou des Balkans, la situation est floue. Certains ont signé la convention européenne, mais sans appliquer de législation claire. La coupe des oreilles continue parfois dans un cadre informel, sans contrôle vétérinaire, et reste largement tolérée culturellement.
Pays du Moyen-Orient et d’Asie centrale
La pratique est encore courante en Turquie, en Iran, ou dans certaines régions d’Asie centrale comme le Kazakhstan ou l’Ouzbékistan. Les chiens de troupeaux (Kangal, Alabai, etc.) sont souvent mutilés sous prétexte de protection contre les loups. L’argument culturel prend ici le pas sur la question du bien-être.
Pourquoi cette pratique continue-t-elle ?
Le maintien de l’otectomie repose sur trois piliers :
- Les standards de race : Certains clubs canins valorisent encore les chiens aux oreilles coupées dans les concours. Cela pousse les éleveurs à perpétuer la coupe.
- La pression esthétique : Les acheteurs demandent un « look » précis. Un Doberman avec les oreilles tombantes ne se vend pas aussi bien qu’un spécimen aux oreilles dressées.
- La tradition : Dans plusieurs régions rurales ou militarisées, couper les oreilles reste une norme. Ce geste est transmis de génération en génération, sans remise en question.
Les conséquences pour le chien
Contrairement aux idées reçues, cette mutilation n’est ni indolore ni sans conséquences :
- Douleur postopératoire, souvent sous-estimée
- Risque d’infections, surtout si le pansement est mal fait
- Cicatrisation longue et inconfortable
- Communication perturbée : les oreilles sont un outil de langage corporel chez le chien
- Stress accru, notamment chez les chiots soumis à cette intervention très jeunes
Il faut aussi souligner que certains chiens rejettent les points de suture ou souffrent de complications importantes.
Ce que risquent les propriétaires en France
Acheter un chien aux oreilles coupées en dehors du cadre médical peut vous exposer à :
- Une amende
- La saisie de l’animal si les papiers ne sont pas en règle
- L’exclusion des concours canins
- Une mauvaise réputation auprès des professionnels du secteur
Un éleveur qui propose des chiens mutilés sans justification médicale agit hors-la-loi. Le vétérinaire qui réalise l’acte aussi.
Que faire si vous adoptez un chien aux oreilles déjà coupées ?
Certains chiens proviennent de l’étranger, de refuges ou de trafics. Si vous adoptez un chien avec les oreilles coupées, plusieurs précautions s’imposent :
- Demandez une preuve de l’origine de l’animal
- Consultez un vétérinaire pour vérifier qu’aucune complication n’est à surveiller
- Informez-vous sur les règles en vigueur pour les papiers d’identification
Un chien mutilé ne doit jamais être rejeté, mais il est fondamental de savoir ce qu’implique cette situation, surtout si vous comptez voyager avec lui.
Vers une interdiction mondiale ?
Des associations comme World Animal Protection ou la Fondation Brigitte Bardot militent pour une interdiction internationale de l’otectomie. Elles travaillent avec des ONG locales pour sensibiliser éleveurs et vétérinaires.
Mais tant que des standards de race, des juges de concours et certains éleveurs continueront de valoriser ce type de silhouette, la pratique persistera.
Conclusion
Couper les oreilles d’un chien est une mutilation sans fondement médical valable. En France, c’est interdit. Dans de nombreux pays, cela ne l’est pas encore. Les raisons sont variées : traditions ancrées, logique de compétition, goût esthétique… Mais les conséquences pour l’animal, elles, sont bien réelles.
En tant que propriétaire ou futur adoptant, vous avez un rôle à jouer : privilégier des éleveurs responsables, refuser la souffrance inutile, et vous informer sur l’origine de votre chien.
Le respect passe aussi par les oreilles.